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Les larmes de Marco Polo

C’est une histoire murmurée. Née entre des murs, ceux d’une prison où le hasard avait placé un homme qui voulait raconter une histoire et un autre qui aimait les écrire. Le premier s’appelait Marco Polo, le second Rustichello.
Au début, ce récit d’un homme parti d’Europe vers le soleil levant et revenu vingt-cinq années plus tard, paraît bien incroyable. D’ailleurs, il vaudrait mieux le chuchoter si vous ne voulez pas d’histoires. On vous enfermerait pour la vie cette fois si on vous entendait. Mais, justement, on veut des histoires... Alors peut-être ne faut-il pas les raconter avec des mots, ou alors avec peu de mots, ou avec des mots juste à leur place, qui ne prétendent pas tout révéler en fanfare, comme ils croient pouvoir le faire parfois, les mots, si imbus de sens.
Avec seulement des gestes, ce n’est pas facile non plus, remarquez. On vous prendrai vite pour fabulateur qui a vu des lions en Sibérie.
Non, pour rendre compte sur une scène du premier grand voyage qui ouvrit mille routes entre l’Occident et l’Orient, qui mit fin à la grande peur de l’autre, qui fit entendre au monde que la différence est richesse. Jean-Claude Gallotta n’avait pas d’autre ressource que de rassembler tous les arts qui sont en son pouvoir, la danse, le texte, la musique.
Aucune expression ne peut être de trop pour dire le choc de la découverte d’autant de mondes nouveaux. On a besoin de toutes les bonnes volontés, des corps, des sons, des silences et du sens, on a besoin de frotter les époques entres elles pour leur faire rendre de communes étincelles.
Alors, Jean-Claude Gallotta chorégraphie comme Marco Polo raconte son histoire dans sa prison de Venise : avec les moyens du bord, avec les moyens du corps. Tout est noble qui sert à l’imaginaire. Veuillez d’ailleurs à ne rien laisser à la portée du regard du chorégraphe, ni objet ni son, ni geste ni temps, il en ferait un moment de sa danse. Ne laissez pas non plus vos yeux trop grands ouverts, il en éclairerait la scène. Ne dites rien, il en ferait un poème.
Claude-Henri Buffard